Pour renforcer leurs troupes, les rebelles des forces démocratiques
alliées (ADF) se font passer pour des Imans ou hommes d’affaires et ainsi
enrôler les enfants. Ils promettent aux parents une scolarité gratuite pour
leurs enfants en Occident ou au Moyen-Orient. Aussitôt cédés, ces derniers sont
amenés dans la forêt dense comme miliciens.
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Photo Mustapha Mulonda |
Je suis allé à la rencontre d’Ibra, un ancien enfant soldat,
pour m’imprégner des mensonges dont sont victimes les familles qui cèdent
volontairement leurs enfants à l’organisation rebelle ADF, d’origine
ougandaise, en RDC. Un groupe terroriste actif dans le territoire de Béni au
Nord-Kivu.
D’après le témoignage de ce jeune, je pense que les ADF
possèdent des ramifications dans toute la région, particulièrement au
centre-ville de Béni, où celui-ci m’a confié qu’il aperçoit de temps en temps
des enrôleurs de cette rébellion. Ces derniers ont pour mission de manipuler
les responsables des familles jusqu’à livrer leurs enfants. Tout cela, à l’insu
de nos agents de renseignements.
Comme d’autres parents, le père d’Ibra l’avait
volontairement cédé entre les mains d’un soi-disant, El hadj Hussein, au teint
brun et barbu. Il a promis d’amener le petit à Médine pour les études
coraniques. «C’était en 2005. Je n’avais que neuf ans», confie-t-il.
Un eldorado devenu un
enfer
Aussitôt recrutés, les jeunes montent à bord d’un véhicule
luxueux, qui se dirige vers l’aéroport de Mavivi. Localité située à 12 km de
Béni. Et subitement la direction change.
Ces derniers sont acheminés dans la brousse où ces kidnappés
font environ huit jours et autant de nuits de marche avant d’arriver à
« Madina » et au « Canada »… leurs campements, ainsi
qualifiés par les « Afande » ou officiers de ce mouvement armé.
C’est de cette façon, qu’Ibra et ses amis chrétiens qui
espéraient aller vivre l’eldorado au Canada. Tous habitants d’Oicha, village
situé à une vingtaine de kilomètres de Béni, ont été enrôlés.
Musulman, Ibra voulait devenir Imam. Mais son rêve a tourné
au cauchemar. Il est devenu tueur et kidnappeur. « Après deux ans de
formation, j’étais capable de manipuler le fusil ». Avec ses amis, leur
mission était de sécuriser les butins pendant les braquages des véhicules.
Aussi, ils pouvaient se fondre dans la population civile comme des
enfants ordinaires dans le but de récolter les informations auprès de la force
loyaliste.
« J’en ai assez de la
vie sauvage »
Fatigué de cette vie sauvage, Ibra s’échappe en décembre
2014, lors d’un accrochage entre leurs factions et l’armée. Il se rend au
programme de démobilisation et réinsertion sociale des anciens combattants de
la Monusco pour réintégrer la vie civile. Agé de 21 ans, aujourd’hui, Ibra n’a
pas perdu l’espoir de vivre. Il est taximan-moto de la place et mène une vie
modeste à côté de sa femme et de son fils d’un an.
Certes, le gouvernement doit respecter l’article 12 de la
Constitution qui garantit l’égalité et la protection de tous devant la loi. Il
doit tout faire pour secourir nos fils et nos filles, nos petits frères et nos
petites sœurs qui croupissent encore dans les forêts. En plus de voler leur
enfance, ces derniers sont considérés comme boucliers de guerre et meurent sans
cause, sous les tirs des forces armées de la RDC.
Mon souci est de voir un jour tous les jeunes qui vivent en
captivité de retourner à une vie afin qu’ils soient utiles pour la communauté à
l’instar d’Ibra.
Mustapha Mulonda